De la construction sur le long terme

Sep 11, 2019 | Associatif, Politique | 0 commentaires

Temps de lecture : 3 minutes

Parfois, on a l’impression que notre agenda politique est calqué sur les réactions à l’actualité des médias classiques et autres buzz viraux. Bien sûr, ce n’est pas le cas, bien que les initiatives de long terme soient quand même souvent invisibilisées par ces mécanismes de réaction automatique et immédiate.
On sait aujourd’hui que rien ne se construit de manière solide sur le court terme, et que cette overdose d’actualité peut parfois mener à des « burn-out militants » qui affaiblissent nos combats. Or, le fait de constater que ces réactions sont souvent stériles et de condamner les personnes qui tombent encore naturellement dans ce piège (nous les premiers) ne nous aidera pas à construire non plus.
Ainsi, nous allons faire une liste ici (non exhaustive) des étapes pour qu’un projet militant soit pérenne dans la durée, et qu’il puisse peser dans la balance du rapport de forces.

  1. La question du modèle économique et de sa viabilité

La question du financement arrive très vite lorsqu’on se lance dans un projet de ce type (événements, association, ESS…). En effet, il est presque impossible de travailler dans la durée si il n’y a pas de possibilité d’investissement régulier.
En général, il y a 3 solutions : soit on fait en sorte de lier sa profession à ces projets militants, soit on utilise ses fonds personnels si on en a les moyens, soit on propose un service à la communauté ciblée afin que ce soit la communauté qui bénéficiera du projet qui le finance. Ces solutions ont chacune leurs limites, il convient donc de choisir la plus adéquate en fonction du contexte.

  1. Viser l’autonomie et l’indépendance

La question de l’indépendance est inévitable lorsqu’on cherche un modèle économique  car elle pose un véritable dilemme : dépendre d’un organisme ou d’une institution et ne pas toujours être libre en termes d’agenda et de ligne éditoriale car il y a conflit d’intérêts, ou se financer autrement, quitte à se retrouver en difficulté et ne pas pouvoir agir ?
Bien entendu, une autonomie totale est souhaitable, mais c’est aussi un idéal. Les solutions comme le financement participatif permet de s’émanciper des institutions classiques, or, elles ne garantissent ni une liberté totale en terme de choix politiques et éditoriaux (il faut aussi rendre des comptes aux contributeurs) ni des fonds suffisants (les finances des contributeurs ne sont pas illimitées en termes de montant et ne sont pas garanties sur la durée).
Il s’agit donc d’étudier la question selon les cas ; en effet, si le projet ne génère pas de conflit d’intérêts direct avec une institution, ou que les subventions proposées représentent un droit, il serait dommage de ne pas en profiter.

  1. Efficacité

Si on ne devait respecter qu’une règle pour être efficace, ce serait celle-ci : ne pas s’éparpiller dans des projets qui n’ont ni lien ni cohérence entre eux. Ou, si on le fait quand même car on s’est laissé emporter, ne pas communiquer dessus si on n’a pas encore établi de calendrier précis ou qu’on n’a pas la garantie de pouvoir s’y investir correctement.
L’autre idée pour atteindre ses objectifs, est de s’entourer de militants en qui on a confiance, et dont on connaît les pratiques (auxquelles on adhère évidemment). La confiance et la nature des pratiques sont encore plus importantes que les affinités idéologiques lorsqu’il y a un objectif et intérêt commun dans un projet, car ici il ne s’agit pas d’un débat d’idées, mais bien d’un projet que l’on veut inclusif, il est donc parfois nécessaire de dépasser et débloquer certains clivages pour obtenir de beaux résultats.

  1. Le plus important : la ligne de conduite

Afin de trouver des acteurs qui ont les mêmes pratiques que nous, il est essentiel de définir clairement ces dernières, en faisant attention à leur cohérence.
Si on vise l’inclusivité, il est primordial que tout ne repose pas sur les épaules d’une personne, afin d’éviter toute surcharge mentale, ou encore tout culte de la personnalité.
Si on ne veut pas être noyé par la trop grande quantité d’information que nous recevons, on limite les actions de communication immédiate qui ne sont que des réactions (rassemblements, manifestations, réactions sur les réseaux sociaux), et on n’utilise cette actualité que si elle n’a un intérêt direct avec notre travail afin de surfer dessus intelligemment.
Enfin, si on veut donner envie aux autres de s’investir dans notre projet, on commence par investir soi-même dedans et on donne un aperçu de notre travail déjà réalisé en amont avant de leur demander des efforts.
Aujourd’hui, il serait fort profitable à tout le monde que l’énergie déployée dans des projets de court terme soit transférée dans des initiatives moins exposées, mais qui ont une plus grande valeur ajoutée. Il est aussi désormais vital, afin que l’essoufflement des bonnes initiatives cesse, que les porteurs de projets militants inclusifs apprennent à saisir les opportunités et s’organisent pour réussir à atteindre leur cible.

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