Pourquoi les grèves aboutissent de moins en moins : tirer les leçons des précédentes défaites (1/2)

Jan 20, 2020 | Economie, Politique | 0 commentaires

Temps de lecture : 3 minutes

Si de nombreuses grèves ont mené vers des victoires sociales et politiques, aujourd’hui, elles les garantissent de moins en moins, malgré la détermination des grévistes et des soutiens influents. En effet, le contexte de répression des mouvements sociaux et de dépolitisation de la société civile n’aide pas. Cependant, il y a également d’autres paramètres à prendre en compte pour expliquer ces échecs.

  • La grève est devenue un réflexe

Elle est souvent décidée en réaction (ce qui est déjà, en soi, problématique) à une décision hiérarchique ou à un projet de réforme d’ordre économique, quand bien même ce ne serait pas le mode d’action le plus adapté.

  • Les revendications ne sont pas toujours claires

Bien que généralement les volontés de « dialogue social » soient de pures arnaques, il arrive que les rares opportunités de négociation soient entièrement bloquées car il n’y a tout simplement pas de revendications explicites, malgré les préavis déposés régulièrement.
C’est pourquoi il est important d’être précis dans ses demandes lorsque l’on entreprend un mouvement social, surtout lorsqu’il est régulier. En effet le mécontentement général qui produit un climat social de mauvaise qualité a souvent pour origine une organisation du travail malsaine ; il est essentiel d’en identifier précisément les causes.

  • Il y a des injonctions à la solidarité envers les grévistes sans garantie de solidarité réciproque

Généralement, les personnes grévistes ont un poste durable, sont syndiquées, donc protégées (pas toujours, attention) contrairement aux intérimaires et prestataires de service précaires, qui sont rarement en mesure d’exercer ce droit sans risquer leur renouvellement ou une éventuelle proposition d’emploi stable.
Bien que les grévistes revendiquent toujours une amélioration des conditions de travail des plus précaires, les intérêts des personnes ayant un emploi stable ne convergent pas forcément avec ceux des travailleurs plus vulnérables. En effet, seuls les premiers et premières concernées sont en mesure de définir les termes de leurs luttes, pour que de potentiels alliés les reprennent, les diffusent pour les amplifier et servent éventuellement de « boucliers protecteurs ».
Or, on constate fréquemment que l’agenda des plus précaires n’est jamais celui considéré comme prioritaire, malgré le fait que c’est la généralisation et l’existence même de la précarité qui tirent les conditions de travail de tous et toutes vers le bas.  C’est donc bel et bien une partie du salariat qui impose ses modalités de lutte à une autre plus fragile, sans qu’il n’y ait de garantie de victoire, ou de lutte pour généraliser la sécurité [relative] de l’emploi dont ils bénéficient

  • Il y a un déficit en termes de pensée politique sur une société alternative

Puisque les grèves sont décidées en réaction à un calendrier politique externe à celui des travailleurs lorsqu’elles sont ponctuelles, ou pas déployées à bon escient lorsqu’elles sont régulières, il ne reste ni temps ni énergie pour que les acteurs et actrices du mouvement réfléchissent à des solutions alternatives et concrètes à la société actuelle.
En effet, une grève à elle seule ne suffit pas pour des changements radicaux et structurels ; encore faut-il avoir pensé en amont à comment les déployer.

  • La grève manque parfois de radicalité dans certaines situations

Une grève peut mettre du temps avant de faire perdre de l’argent à l’entreprise ou à l’Etat, et affaiblit les grévistes à court terme (et à long terme en cas de défaite).  Il faut ajouter à ce problème, le contexte de précarité généralisée qui rend la rupture de grève encore plus aisée pour l’Etat et les grands patrons.
Enfin, il arrive de plus en plus fréquemment que certains acteurs tirent profit des grèves, et s’enrichissent…sur le dos et au détriment du mouvement social, ce qui rend finalement l’action contre-productive.
Une piste de solution, serait de trouver des alternatives à la grève, en la dépassant par un mouvement plus large de désobéissance civile.
 
Il ne s’agit pas de jeter d’abandonner totalement la grève comme mode d’action, mais bien de le faire évoluer pour qu’une grève soit plus inclusive, moins risquée pour les grévistes, et surtout plus efficace.

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