Pourquoi le MEDEF se fout de nous quand il dit que la France n’est pas compétitive

Juin 27, 2015 | Economie, Politique | 0 commentaires

Temps de lecture : 6 minutes

Tout d’abord, il faut savoir que le niveau de compétitivité est mesuré selon 12 indicateurs selon le World Economic Forum.
Ces 12 indicateurs sont les piliers de la compétitivité.
Toutes les données relatées dans cet article proviennent du “Rapport global de compétitivité” du Forum Économique Mondial, présent sur ce lien : http://www.weforum.org/reports/global-competitiveness-report-2013-2014

Ces piliers sont :
1) la qualité et la solidité des institutions publiques et privées (qui dépendent de la gestion de la finance publique, de la richesse créée par le gouvernement pour les institutions publiques et les pratiques managériales, l’éthique et la transparence des affaires pour les institutions privées)
2) la qualité des infrastructures (efficacité, développement, atténuation des effets de la distance)
3) Environnement macro-économique (stabilité et développement durable)
4) Santé et éducation (la mauvaise santé des travailleurs représente un coût et l’éducation améliore l’efficacité des travailleurs)
5) Éducation supérieure et formation (des travailleurs qualifiés sont capables d’effectuer des tâches complexes rapidement et de s’adapter rapidement aux changements)
6) Efficacité du marché des marchandises afin de satisfaire la loi de l’offre et de la demande et d’obtenir une meilleure productivité.
7) Efficacité du marché du travail qui repose sur la flexibilité de la force de travail (point critique). Il faut noter que la flexibilité repose sur le coût engendré lors d’un changement d’activité.
8) Développement du marché financier. L’investissement dépend de la bonne santé du secteur financier. Pour obtenir les produits financiers dont l’économie a besoin, il est nécessaire de réguler et sécuriser les échanges en assurant leur transparence.
9) Veille technologique. La technologie, surtout les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication), est essentielle pour la productivité et la prospérité des entreprises.
10) Taille du marché, qui affecte la productivité
11) Sophistication du Business, selon la qualité et la quantité des demandeurs locaux
12) Innovation, qui apporte de nouvelles connaissances en matière de savoir-faire, compétence et conditions de travail. De plus, la compétitivité est basée sur l’innovation technologique.

Les 4 premiers piliers permettent de déterminer les facteurs qui construisent l’économie, les piliers 5 à 10 mesurent l’efficacité de l’économie.
Quant aux deux derniers, ils indiquent l’état de l’innovation dans le pays.

La méthode de calcul du niveau de compétitivité est détaillée dans le rapport du WEF.

D’après ces calculs, on retrouve parmi les pays les plus compétitifs du monde : les États-Unis, le Royaume-Uni, la Norvège, la Finlande, le Canada, la France, la Suède, l’Arabie Saoudite et l’Australie.

De façon assez surprenante, on constate  que la France (23ème) est plus compétitive que la Chine (31ème).
Pour comprendre comment on arrive à ce classement, il paraît judicieux d’observer les critères pris en compte dans le calcul de l’indice de compétitivité, et plus particulièrement la pondération de chacun de ces critères dans ce calcul.

Chacun des indicateurs mesurés pour calculer l’Index Global de Compétitivité (Global Competitiveness Index, ou GCI) est détaillé dans les pages 46 à 48 du rapport.
En observant attentivement la pondération de chacun de ces critères, on constate que les critères concernant les institutions, les infrastructures, l’environnement macro-économique, la sophistication du business et l’innovation sont prépondérants par rapport aux autres.
De plus, il faut noter que, l’impact des institutions publiques est 3 fois plus importants que celui des institutions privées sur la valeur du GCI. On retrouve ainsi parmi ces critères la diversité des fonds publics, la confiance en la politique, l’indépendance de la justice, la qualité et le niveau des infrastructures dont les TIC, le niveau de santé, d’éducation et de formation, la capacité d’innovation, l’investissement dans la recherche ou encore le niveau d’éthique dans les pratiques managériales.
On constate aussi que le rang de la France en matière de compétitivité est en déclin ces dernières années, c’est pourquoi il paraît judicieux de s’interroger sur les causes de cette baisse à partir des données collectées dans ce rapport.
Certains accuseront (à tort et trop vite) le Code du Travail soit disant trop rigide tout en oubliant que ce même Code protège les droits et les conditions de travail des employés ET des employeurs. Et qu’il est le produit des institutions publiques, et de ce fait, il est INDISPENSABLE de le protéger. D’autres diront que les dépenses de santé, d’éducation ou d’amélioration des conditions de travail sont du gaspillage et qu’on doit appliquer une politique d’austérité économique. Or, ils oublient que ces dépenses sont tout d’abord un investissement sur le long terme.
Quant à ceux qui jugent la fiscalité française trop importante, leur analyse est fausse. La fiscalité française est injuste pour les entreprises car une PME paiera 25% d’impôts alors qu’une multinationale sera taxée à 8% maximum ! Il y a certes une réforme fiscale à mettre en place, mais il ne s’agit pas de baisser les impôts, juste de les répartir de façon plus équitable. En effet, une baisse des impôts contribuerait à fragiliser les institutions publiques et donc l’investissement en termes d’éducation, de recherche et de santé publique.
On oublie trop souvent que les atouts de la France se trouvent principalement dans la solidité de ses institutions.

On nous dira aussi de prendre exemple sur l’Allemagne, en faisant abstraction du taux de pauvreté et des conditions de travail déplorables. Certes, cette flexibilité extrême, qui consiste à considérer la force de travail comme un objet et non comme un potentiel humain, permet une baisse drastique des coûts de production, ce qui génère d’importants flux de trésorerie, et donc fait augmenter la valeur de l’action de l’entreprise. Ceci a pour effet d’attirer un nombre assez important d’investisseurs (actionnaires, fonds de pension et banques). Ainsi, la croissance se porte à merveille.
Mais où se trouve donc le problème, me direz-vous ?
Le problème est que pour obtenir de bons résultats sur le long terme en matière de compétitivité, attirer des investisseurs est loin d’être suffisant, surtout de cette manière. Je m’explique : attirer des investisseurs est indispensable à la survie d’une entreprise, mais mettre l’entreprise à leur service est néfaste à long terme. En effet, des investisseurs qui ne seront attirés que par la rentabilité à court terme n’hésiteront pas à forcer les patrons à réduire leurs coûts de production, quitte à mettre en péril la pérennité voire la survie de l’entreprise.
Car oui, lorsqu’on épuise les salariés en leur demandant toujours plus d’efforts et en les privant davantage de leurs droits élémentaires, vient un jour où la productivité diminue, et avec elle, la qualité du travail fourni par ces derniers.
Ceci, l’Allemagne a fini par le comprendre car, le salaire minimum vient d’être créé.

Mais alors, quel est l’intérêt pour le patronat, représenté par le MEDEF en France de suivre le modèle allemand ?
Oui, pourquoi mettre en péril la pérennité de son entreprise, le bien-être de ses travailleurs au profit des investisseurs ?
Tout simplement car lorsque les actionnaires ont atteint leurs objectifs en matière de cash-flow, ils reversent des dividendes (appelés stock-options) aux patrons-toutous qui n’ont pas d’autre choix que d’accepter, car les investisseurs sont rois. Surtout les actionnaires du CAC 40, puisqu’ils ont le droit de veto dans les CA des grandes entreprises.
Donc, en clair, si le patron refuse il sera rapidement éjecté puis remplacé par un plus conciliant, quelque soit le niveau (et le montant) des abus commis par ces derniers.
Vous commencez à saisir la perversité de l’emprise de la finance sur les entreprises ?

Reste à méditer sur ce que veulent les acteurs de notre pays, faire évoluer l’économie dans le bon sens et à long terme, ou se contenter de suivre les tendances. Il faut bien noter ici, que la force de travail est une base humaine, et que de la vouloir malléable et corvéable à la merci du patronat, cela revient à de l’aliénation. Et que ceci n’aide en rien si on veut plus de flexibilité dans le travail.
Et surtout se souvenir que pour éviter de continuer de faire baisser le rang de la France au niveau de sa compétitivité, mieux vaut éviter de laisser place à la méfiance envers nos institutions en signant des accords privant les salariés de certains droits (ANI) ou en organisant des “cirques médiatiques”.

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