Faut-il arrêter de privilégier les procédures aux résultats ? (1/3)

Mar 26, 2020 | Critique des médias, Décryptage, Société | 0 commentaires

Temps de lecture : 3 minutes

En temps normal, la fiabilité d’un résultat (scientifique ou autre) dépend fortement de la rigueur avec laquelle une procédure est appliquée. Or, que faire et quoi penser, lorsque l’urgence nous empêche de mettre en œuvre toutes les étapes d’une procédure, ou que cette dernière, trop rigide, peut nous empêcher d’avancer ?
Prenons l’exemple de l’usage de la chloroquine comme traitement antiviral dans la pandémie du COVID-19. A ce jour, aucune étude aboutie ne prouve son efficacité. Pourtant, de nombreux médecins sur le terrain ont déjà établi un protocole de soins autour de cette molécule partout dans le monde. Faut-il les en blâmer, ou au contraire les féliciter ?
Pour répondre à ces questions, nous allons discuter ici de la pertinence des procédures selon le contexte, et montrer pourquoi dans tous les cas, la priorité, c’est la préservation de l’intégrité physique et morale des personnes.

  • Les procédures sont souvent une garantie de qualité des résultats….

…Lorsqu’elles sont exécutées en conditions normales ! Et c’est parce qu’elles ne sont pas forcément toutes conçues pour gérer l’imprévu qu’elles ne marchent pas à tous les coups. Si, dans l’idéal, le meilleur moyen de prévoir l’imprévisible, est de prévoir un maximum de choses, ce n’est malheureusement pas toujours possible.
Alors, à moins que les procédures ne prennent en compte toutes les éventualités, il faut parfois les modifier ou les accélérer lorsqu’il y a urgence.

  • Elles peuvent servir d’outils d’exclusion et de discrimination

Il faut aussi prendre en compte le fait que les procédures peuvent être utilisées pour exclure, voire discriminer n’importe quelle personne tentée de les remettre en question.
L’exemple le plus parlant ce sont les procédures pour délivrer des titres et des diplômes dans les écoles et les universités les plus prestigieuses et les plus reconnues. Ces titres peuvent être utilisés comme biais de manipulation, comme l’explique Robert Cialdini dans son ouvrage « Influence et Manipulation ». En effet, les titres peuvent être utilisés pour intimider toute personne qui n’en possèderait pas d’équivalent, afin de la discréditer, ou de la dissuader d’agir. C’est donc pour cette raison que des jeunes à haut potentiel se retrouvent en échec scolaire ; on confond leur inaptitude à un système avec un manque de compétences ou de connaissances.

  • L’urgence n’est jamais un prétexte valable pour mettre en danger des vies humaines

Cependant, même dans l’urgence, trop négliger les procédures (qui restent une référence et un filet de sécurité, quoiqu’on en pense) peut s’avérer dangereux. On n’a pas le droit de mettre en danger des vies, sous prétexte qu’une procédure serait trop longue et complexe.
On peut tout de même la modifier en l’adaptant au contexte d’urgence ; mais toujours en respectant un minimum de précautions.
 
Pour conclure, ce qu’il faut questionner avant tout, c’est la façon dont sont construites les procédures, et pas forcément leur existence. En effet, les procédures permettent de rassurer. Mais pour qu’elles soient valables dans n’importe quel contexte (social), il est important de les tester dans toutes les circonstances (et de vérifier qu’elles y sont adaptées) avant de les privilégier en tout temps. Si ce n’est pas le cas, il faut avoir l’humilité de les remettre en cause, surtout lorsqu’elles excluent de manière injuste, ou ne donnent pas les résultats espérés parce que trop lentes ou inadaptées, en temps de crise, par exemple.
Pour revenir à la crise sanitaire actuelle, il y a assez de recul sur l’usage de la chloroquine dans d’autres circonstances, mais aucun sur la dose préconisée pour baisser la charge virale du COVID-19. Les patients qui en ont reçu se sentent mieux, mais nous ne savons pas à quel prix, et nous ne savons pas encore si ces résultats apparemment prometteurs seront confirmés sur du plus long terme. La question d’administrer ce traitement ne doit revenir donc qu’aux médecins seuls, et à ce jour, elle est plus d’ordre éthique, que de rigueur scientifique ; faut-il administrer ce traitement sans visibilité sur les effets secondaires, ou prendre le risque de perdre encore plus de patients (qui varie entre 1 et 3%, ce qui est faible en taux de pourcentage, mais conséquent en nombre de vies humaines à l’échelle d’un pays) ?

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