Dans une interview, la rappeuse Casey a déclaré : « Le viol est l’essence même du capitalisme et du colonialisme : prendre à quelqu’un ce qu’il ne veut pas donner» Cette citation n’a jamais été aussi juste. En effet, si on tente souvent de séparer les luttes de races de celles du genre, elles sont pourtant bel et bien imbriquées. Explications.
- Le viol est une arme de guerre impérialiste et colonialiste
C’est un outil qui vise à détruire l’humanité d’une personne, c’est pourquoi il est très utilisé pour asseoir une domination impérialiste et/ou coloniale. Quand il est subi par un homme non-blanc, c’est pour le déposséder de sa masculinité, et quand il est subi par une femme indigène, c’est à la fois pour la posséder et pour l’éloigner de son clan, sa race, sa tribu, sous prétexte qu’il faudrait la libérer du joug des hommes indigènes. Si ces viols ont été justifiés dans le passé par une philosophie orientaliste, la dimension raciste et coloniale n’a toujours pas disparu, comme on a pu le voir avec l’affaire Théo.
- Sur la question du viol, comme sur celle du colonialisme, la notion de consentement est centrale
Commettre un viol, c’est infliger une pénétration sexuelle à une personne qui la refuse. Coloniser, c’est occuper, voler, piller, spolier un territoire et un peuple entiers. Dans les deux cas, il s’agit de piétiner le consentement d’autrui.
Et la culture du viol, comme l’idéologie raciste, permettent d’entretenir et de justifier tous les crimes sexuels et coloniaux via des procédés fallacieux comme le slutshaming ou encore l’appropriation culturelle.
- Dans les 2 cas, il s’agit d’une lutte pour la dignité
La dignité passe par la préservation de l’intégrité physique et mentale de toute personne (ce que le viol détruit), mais aussi par le droit d’exister en tant qu’individu avec l’intégralité de ses identités.
Ainsi, le droit de disposer de son corps librement, le droit d’exercer sa liberté de culte ou sa liberté politique, le droit à toutes les cultures de coexister, font partie d’un combat pour la dignité humaine.
- La construction de l’impunité des violeurs est similaire à celle des policiers commettant des crimes et agressions racistes
Dans l’écrasante majorité des cas, lorsqu’une victime de viol décide de parler, il existe un procédé pour annuler toute forme de résistance de sa part : elle est isolée, intimidée, des preuves du crime sont parfois détruites ou falsifiées, elle subit un harcèlement pour retirer sa plainte, les faits qu’elle a subis et sa souffrance sont souvent minimisés et la présomption d’innocence est détournée de son usage pour protéger un criminel.
On constate bien souvent exactement le même processus pour les victimes de crimes policiers, d’Amine Bentounsi à Adama Traoré, en passant par Zyed et Bouna, ainsi que Théo Luhaka.
Finalement, il n’y a aucune raison valable pour dissocier la lutte contre le viol de la lutte décoloniale. Pourtant, il arrive parfois qu’on défende des hommes suspectés de viol, sous des prétextes antiracistes, en utilisant des éléments de défense basés sur la culture du viol, comme ce fut le cas pour Tariq Ramadan. Sauf que protéger un agresseur présumé au nom d’une solidarité de façade avec des arguments qui vont à l’encontre de la dignité humaine ne sert aucune lutte ; d’une part cette protection écarte des femmes souvent piliers de la lutte antiraciste (surtout quand les hommes victimes de racisme ne sont pas en mesure de lutter), d’autre part elles renforcent le sentiment de stigmatisation perçu par les femmes indigènes, ce qui peut les pousser à se tourner vers des recours nous exposant collectivement au racisme pour se protéger.
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