Pourquoi l’étude des affaires de viol uniquement sous le prisme judiciaire est insuffisante (3/5)

Mar 19, 2018 | Politique, Société | 0 commentaires

Temps de lecture : 2 minutes

Précédemment, nous avons démontré que le problème du viol était un problème de société, qui relève principalement du système patriarcal dont toutes nos institutions sont imprégnées. Pourtant, lorsqu’une affaire de viol est rendue publique, bien souvent, on n’en commente que les péripéties judiciaires. Si, bien entendu, chaque cas de viol relève du droit pénal, les affaires traitées par l’institution judiciaire française sont loin d’être représentatives de la réalité globale en ce qui concerne la question du viol.
En effet, comme seulement 1 victime sur 10 porte plainte, 90 % des viols échappent au contrôle de la justice. De plus, comme les médias ne prennent en compte généralement que les affaires où la justice est saisie, ce traitement médiatique biaisé laisse penser que les affaires de viol ne sont que des faits divers sans lien, et non un problème global de société. Et c’est clairement ce (mauvais) traitement médiatique qui pose problème, car il dépolitise la question du viol.
Enfin, cette dépolitisation fait que les affaires de viol qui sont traitées en justice en appliquant strictement le droit, prennent rarement en compte la dimension sexiste de ces crimes et le rapport complètement déséquilibré entre un suspect et sa victime.
Finalement, puisque l’institution judiciaire est très inefficace pour condamner les viols et prend rarement en compte la domination du sexisme, les victimes ne sont pas protégées par la justice, notamment car les viols sont très difficiles à prouver, et comme les suspects sont toujours présumés innocents, le doute ne profite jamais aux victimes.
Ainsi, s’il est difficile de prendre le risque de condamner un innocent, commenter ces affaires sans respecter inconditionnellement la parole des victimes, c’est trop souvent alimenter le mythe sexiste des femmes qui portent plainte pour viol par vengeance ou pour attirer l’attention, et nourrit dangereusement la culture du viol.
On peut aussi se poser la question de l’usage du droit ; son application stricte sans prise de conscience du contexte sociétal serait-elle une fin en soi, ou alors ne serait-il qu’un outil à but émancipateur ? Car dans le premier cas, au mieux, on maintient un statu quo que l’on sait inégal, au pire on renforce les inégalités face au viol, et dans le second, on a les moyens d’inverser un rapport de forces défavorables aux femmes.

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