Coco Chanel ne croyait pas si bien dire si on devait contextualiser son aphorisme à la crise climatique. Le 4 avril dernier, dans son rapport climatique alarmant, le GIEC lançait un appel aux gouvernements du monde entier à réduire les émissions de gaz à effet de serre en les invitant à passer à une transition écologique face au dérèglement climatique qui menace l’humanité et la biodiversité.
Au regard de la mode qui se veut glamour, rebelle, esthétique, au goût du jour, s’exprimant à travers les codes de la société, s’alignant à un rang social et revendiquant une appartenance à un groupe, se cache derrière ce mouvement perpétuel, l’industrie du textile aux effets dévastateurs tant sur le plan économique, social et écologique.
L’industrie de la mode sur le podium des pollueurs environnementaux
Malgré les promesses de recyclage et de production éco-responsable promulguées depuis quelques années par les grands de la mode, c’est à se demander s’ils ont réellement pris conscience de l’enjeu climatique. Serait-ce une stratégie de communication ou assisterions- nous à un profond changement à l’égard de notre planète ?
La tradition voulait qu’il y ait deux collections annuelles Automne-Hiver et Printemps-Été, or cela semble bien dépassé. Le consommateur reçoit régulièrement des newsletters lui annonçant une nouvelle édition spéciale et limitée dans le temps avec promos à la clé l’incitant à acheter toujours et encore. Le développement durable étant au cœur des débats, ils utilisent une technique de marketing, le “green washing” sous couvert du respect de la planète, berçant le consommateur dans une belle illusion de responsabilité environnementale.
C’est sans compter les tonnes de ressources d’eau puisées pour la fabrication du tissu, les teintures, les produits chimiques et les centaines de millions de microplastiques issus des vêtements synthétiques qui sont déversés dans les océans chaque année, un grand coup dur pour la biodiversité marine.
Côté transport, un jean peut passer d’un continent à un autre avant d’arriver dans votre armoire. Cela représente plus d’un milliard de tonnes de gaz à effet de serre dégagé dans l’atmosphère de quoi faire de l’ombre au trafic aérien, marin et routier réunis.
Les droits humains dans tout ça ?
Le 24 avril 2013, au Bangladesh, dans la banlieue de Dacca, environ 1100 ouvriers et ouvrières du textile dont des enfants qui travaillaient dans des ateliers perdaient la vie sous les décombres du bâtiment de huit étages, le Rana Plaza. Ce drame aura mis en lumière l’esclavagisme moderne, le travail des enfants, l’exploitation des femmes et des hommes qui travaillent dans des conditions déplorables, dangereuses pour leur santé et une main d’oeuvre très bas marché que l’on ne retrouverait nulle part sur le vieux continent.
En novembre 2017, on pouvait lire en Turquie, sur les étiquettes Zara des messages de détresse. Ouvriers et ouvrières avaient placé ces petits mots afin d’interpeller les consommateurs sur leurs conditions de travail et salaires misérables.
Nos garde-robes, qu’en est-il et qu’en disent-elles ?
Ce sont 18000 personnes de 20 pays différents qui avaient été interrogées lors d’une enquête pour l’entreprise de déménagement Movinga. Les résultats ont montré que les Français ne portent en moyenne que 32% de leur garde-robe, et en gaspillent donc 68% en les laissant poser telles des œuvres d’art dans leurs armoires et commodes.
En Europe, ce sont 4 millions de tonnes de vêtements qui sont jetés chaque année. Sans compter les marques qui éliminent leurs excédents de stocks, leurs invendus au nom de la protection de la propriété intellectuelle ou de la politique de barrage à la contrefaçon.
En 2018, Burberry annonçait dans un rapport, la destruction d’un équivalent de 31 millions d’euros de produits neufs. La marque suédoise H&M brûlerait, quant à elle, des tonnes de vêtements chaque année depuis 2013. D’ailleurs en France, “pour mettre fin à ce gaspillage, l’article 45 de la loi AGEC oblige à partir du 1er janvier 2022, les producteurs, importateurs et distributeurs à réemployer, réutiliser ou recycler les produits non-alimentaires invendus.”
Mais qu’est-ce qu’on peut faire concrètement ?
A peine une mode s’évanouit qu’une autre émerge. Et puis c’est sans se mentir qu’on peut difficilement s’imaginer porter les mêmes vêtements de qualité, la même garde robe sur une trentaine d’années. La mode change et nous avec. Nos goûts, nos états d’esprit, nos désirs fluctuent dans le temps et ce serait faire preuve de radicalisme de vouloir éteindre cette part de l’Homme que de lui dire que la chose à faire serait d’aller à l’encontre de cette mode. Ne nous méprenons pas : ce serait aussi faire preuve de radicalisme et d’égoïsme envers notre planète et les générations futures d’alimenter une industrie de la mode qui se veut intensive.
En parler autour de soi, se remettre en question sur sa manière de consommer est le premier pas essentiel au changement. Se diriger vers la slow fashion, la production respectueuse de l’environnement, des travailleurs et des animaux. Consommer mieux et moins se tourner vers les boutiques de seconde main.
En tant que consommateurs, il s’agirait de privilégier des vêtements de qualité qui tiennent dans le temps et des pièces intemporelles. Certes, il est très difficile de résister à cette petite paire tendance qui vous fait de l’œil depuis un moment. Et vous savez quoi ? Ça ne fait pas de mal de craquer avec modération. Mais gardons en tête que nous sommes acteurs, complices, mais aussi responsables de cet enclin en tant que consommateurs. On a tendance à sous-estimer notre pouvoir d’acheteur alors que les industriels du textile orientent leur production en fonction de nos désirs, nos orientations et besoins.
Lorsque l’on dépeint l’ampleur de l’urgence écologique, on a souvent l’impression que le défi est impossible à surmonter. La peur ne doit pas laisser place à une paralysie collective, mais bien au contraire, il faut laisser place à l’action individuelle et collective parce qu’il reste de l’espoir. Éduquer et informer pour prendre les bonnes décisions et faire de l’écologie une priorité.
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