Témoignage abstention : « J’ai arrêté de voter depuis les européennes en 2014. C’est douloureux pour moi, car j’avais une haute estime de la politique avant, de par ma culture et mon éducation, où j’ai baigné dans le militantisme. »

Juil 19, 2020 | Politique, Société | 0 commentaires

Temps de lecture : 3 minutes
Nadjib, 37 ans, Reporter télévision
 
« Je suis reporter depuis maintenant 11 ans, spécialisé en géopolitique et en culture. Avant d’exercer ce métier, j’enseignais dans des classes Relais (jeunes en décrochage scolaire) l’initiation au reportage et le contrôle de l’image. J’intervenais sur ces sujets suite à des cas de happyslapping parmi les élèves de ma classe qui n’étaient clairement pas conscients de la gravité de leurs actes.
Mon travail a été repéré par une réalisatrice qui m’a formé au montage et à la vidéo. Puis, j’ai rencontré une journaliste qui m’a formé à son métier durant 3 ans et qui m’a ouvert son réseau, car elle a trouvé que le métier de journaliste était fait pour moi.
J’ai toujours aimé voyager, et je suis passionné d’actualité internationale, car je considère que dans un monde globalisé, les vraies décisions politiques se prennent au niveau international.
Mon école, c’est celle du voyage et du théâtre. Au lycée, je passais mon temps à organiser des manifestations et à remettre en question le système scolaire, qui pour moi est inadapté au monde actuel. J’ai donc eu la chance d’évoluer dans un milieu favorisé, ce qui m’a permis de m’émanciper par le voyage car j’ai une image négative de l’école. Ces voyages m’ont permis d’avoir une carrière internationale.
J’ai arrêté de voter depuis les européennes en 2014. C’est douloureux pour moi, car j’avais une haute estime de la politique avant, de par ma culture et mon éducation, où j’ai baigné dans le militantisme.
Dans le cadre de mon métier, j’ai eu l’occasion de couvrir la campagne présidentielle en 2007 entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, puis d’enquêter sur le PS. J’ai été complètement écœuré.
Pour moi, le système politique français fonctionne comme une mafia. A croire qu’on n’est pas sorti de la monarchie, puisque les élites de notre « démocratie » se comportent comme des seigneurs. Le pire, c’est leur discours qui vise à culpabiliser l’électorat sans jamais remettre les élus en question.
Dans les partis politiques, ils acceptent les « acteurs de la diversité » comme on appelle pudiquement les « racisés », mais uniquement comme public de meeting ou colleurs d’affiches. Plus on monte dans la hiérarchie, plus c’est « blanc » et plus c’est « mâle ».
Je ne suis pas devenu abstentionniste du jour au lendemain, c’est un acte complètement réfléchi. Aujourd’hui, on ne peut plus renverser le système de l’intérieur en intégrant un parti politique, car les acteurs de terrain, même lorsqu’ils arrivent aux affaires, ne peuvent garder leur liberté de ton et servir ainsi de lanceurs d’alerte.
L’exemple du référendum de la constitution européenne est une preuve flagrante du mépris des représentants politiques envers le peuple. On a mobilisé les gens pour les inciter à s’exprimer et à voter. Le peuple a voté non, mais le texte a été voté à l’Assemblée Nationale contre la volonté du peuple.
Si l’abstention augmente autant, c’est loin d’être par désintérêt des questions politiques, bien au contraire, c’est parce qu’ils sont conscients que l’Etat ne peut rien pour eux.
Je préfère mille fois qu’un homme politique m’avoue son impuissance en soutenant les initiatives citoyennes plutôt qu’il me mente en me vendant du rêve.
Le seul moyen pour que je retourne voter, c’est que le vote blanc soit réellement reconnu. Je pense que si nos élus refusent de mettre en place cette mesure, c’est pour éviter de remettre en question leurs actions politiques. Pourtant, leur rôle, c’est d’être à notre service, et pas l’inverse.
A force d’avoir transformé la politique en métier, le système n’est même plus enrayé, il est carrément en train d’imploser, et de s’autodétruire. Et comme les politiques sont des personnages complètement hors-sol, ils ne peuvent prendre que des mesures cosmétiques.
A force, les gens sont fatigués de se faire envoyer dans le mur. Les plus démunis sont clairvoyants et souvent très politisés, et contrairement à ce que l’on peut croire, ils sont loin d’être dans le discours du « tous pourris ». Souvent, ils tentent de monter des petits partis, mais ils sont bien conscients que les petits partis n’ont pas de poids.
Les journalistes qui se permettent de culpabiliser les abstentionnistes dans leurs chroniques et de surfer sur toutes sortes de peurs, se transforment en communicants de ce système politique défaillant, et sont aussi responsables de ces dysfonctionnements.
La France n’est pas un épiphénomène ; ailleurs, c’est pareil. Quand on joue sur les peurs et les bas instincts des gens, ce sont toujours les pires extrémistes qui raflent la mise. On a rompu le « pacte républicain » à partir du moment où on a commencé à ethniciser les débats et à normaliser la division entre les citoyens.
A titre personnel, je m’engage sur le terrain dans des projets associatifs concernant le lien social, l’éducation, l’émancipation économique. Par exemple, la recherche de stages pour les jeunes étudiants et les mouvements tels que les ZAD ou Colibris (économie alternative). »
 

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